Au-delà des Mots : Comment Devenir un·e Véritable Allié·e des Femmes

Au Sénégal, les violences faites aux femmes traversent les foyers, les quartiers, les institutions. Elles sont physiques, psychologiques, économiques. Invisibles parfois, tolérées souvent. Dans un pays où la parole féminine peine encore à être entendue, il ne suffit plus de compatir : il faut apprendre à soutenir sans dominer, à écouter sans juger, à orienter sans imposer. Je vous propose une manière d’agir concrète et contextualisée, en tant qu’allié·e engagé·e dans la lutte contre les violences sexistes.

    Comprendre le poids du silence

Au Sénégal, près d’une femme sur trois a été victime de violences, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD, 2024). Pourtant, la majorité des cas ne sont pas signalés. Le silence s’impose souvent, par crainte du scandale, de la honte, du rejet ou de représailles. Les normes patriarcales, toujours vivaces, exigent que la femme endure, se taise, protège l’honneur familial plutôt que sa propre sécurité. Dans ce contexte, écouter une femme qui brise ce silence est un acte politique. Lui répondre sans précipitation ni soupçon, c’est déjà commencer à réparer.

Écouter sans interrompre, croire sans conditions

La première chose qu’attendent les femmes qui parlent, c’est qu’on les croie. Trop souvent, elles sont confrontées à des réactions qui les invalident : « Ce n’est pas si grave », « Pourquoi tu n’es pas partie ? », « Tu l’as provoqué ? ». Ces mots tuent. L’écoute véritable se fait sans précipitation, dans le respect du rythme de la victime, sans chercher à tout savoir, ni à tout comprendre. Selon ONU Femmes (2015), la validation émotionnelle est le premier levier de reconstruction. Elle permet à la victime de reprendre un minimum de contrôle sur sa propre histoire.

Orienter sans sauver : les ressources existent

Être un·e allié·e ne signifie pas remplacer les professionnels. Cela signifie connaître les structures fiables, et proposer de les mobiliser ensemble. À Dakar, Saint-Louis, Kaolack et ailleurs, des centres d’écoute et des ONG spécialisées — comme Equipop ou La Maison Rose — offrent un soutien médico-psychosocial essentiel (Equipop, 2020; N’diaye, 2017). Le numéro national 116 reste actif 24h/24. Ce que l’allié·e peut faire, c’est être présent·e : accompagner, appeler ensemble, rassurer sur la confidentialité. Mais la décision finale doit toujours revenir à la victime. Plus d’infos et de ressources ici.

Être là, longtemps

L’après n’est jamais simple. Certaines femmes repartent, hésitent, ou reviennent vers leur agresseur. Cela ne signifie pas qu’elles mentent ou exagèrent. Cela signifie qu’elles ont peur, qu’elles sont isolées, qu’elles n’ont pas toujours d’alternative. Les ONG insistent sur la nécessité d’un accompagnement de long terme. Être allié·e, ce n’est pas exiger des décisions rapides, c’est tenir dans la durée, sans jugement. C’est aussi parfois proposer un refuge, une aide logistique, ou simplement une présence.

Respecter la parole et protéger la vie

La parole confiée est une responsabilité. Répéter les confidences à d’autres, même par « inquiétude », peut mettre la victime en danger. L’allié·e n’est pas un témoin passif, mais un rempart face à la récidive. Dans certains cas, cela signifie aussi accompagner la victime vers le poste de police, ou dénoncer le refus de plainte, comme cela a été documenté par ONU Femmes Afrique (2022) dans son travail avec les forces de l’ordre à Dakar.

Sensibiliser, dénoncer, transmettre

La lutte ne se limite pas à l’intime. Elle commence dans les maisons, se prolonge dans les groupes de jeunes, les bureaux, les salles de classe. Parler des droits des femmes, déconstruire les blagues sexistes, dénoncer les violences, soutenir les campagnes comme les 16 jours d’activisme — tout cela construit un espace où les agresseurs perdent du terrain. En 2025, l’AFD rappelait que l’engagement communautaire, notamment des hommes, reste l’un des leviers les plus puissants pour prévenir les violences de genre (AFD, 2025).

Mon regard d’alliée

Ce que j’ai appris, à force d’écoute, de lecture, d’observation, c’est qu’il n’y a pas de solution miracle. Il y a des gestes. Des mots bien choisis. Une disponibilité sans attente. Et une conscience politique du contexte : au Sénégal, être une femme qui parle, c’est encore un acte de courage. Et être une personne qui écoute vraiment, c’est déjà un acte de résistance.

Sources :