Le 14 avril 2024, Dieynaba Ndiaye porte plainte contre son mari, Alioune Badara Mbacké, pour violences conjugales. Ce geste de courage se transforme rapidement en un combat contre un système social et judiciaire qui semble aveugle aux réalités des femmes victimes. Cette affaire révèle bien plus qu'un simple fait divers : elle expose les inégalités sociales et les jeux de pouvoir qui régissent la perception des victimes au Sénégal.
Un faux médecin et l’influence du statut social
Alioune Badara Mbacké, présenté comme médecin, bénéficie d’une autorité professionnelle qui lui permet de manipuler la situation en sa faveur. Bien que des doutes existent sur la véracité de ses qualifications, son statut a joué un rôle crucial dans le traitement de l’affaire (Metro Dakar, 2024). Dans une société où l’image de respectabilité prime souvent, son statut a agi comme un bouclier, inversant la perception des événements (PressAfrik, 2024). L’influence de son statut sur l’opinion publique et la gestion judiciaire de l’affaire souligne à quel point les dynamiques de pouvoir basées sur des apparences sociales peuvent peser lourdement sur les victimes.
Le système judiciaire : un traitement inégal pour les victimes
L’affaire met en lumière une profonde injustice dans le traitement des violences conjugales. Alors qu’Alioune Badara Mbacké n’a écopé que d’une peine légère de 45 jours de prison, Dieynaba a été condamnée à trois mois pour avoir menacé de divulguer des photos intimes de son mari. Cette inversion des rôles soulève des questions sur le véritable engagement du système judiciaire à protéger les victimes de violences conjugales. Le cas de Dieynaba montre un déséquilibre flagrant dans l’application de la justice, où les victimes sont souvent jugées coupables de leurs tentatives de résistance (PressAfrik, 2024).
Les violences conjugales : un tabou difficile à briser
Malgré les lois existantes, les violences conjugales au Sénégal restent largement minimisées. La lenteur avec laquelle la plainte de Dieynaba a été prise en compte illustre un système judiciaire qui ne protège pas efficacement les victimes. En outre, la stigmatisation sociale empêche souvent les femmes de parler de leur souffrance. Les victimes sont réduites à des rôles passifs, leurs voix étouffées par des stéréotypes de genre qui les dépeignent comme instables ou responsables de la violence qu’elles subissent (Jeune Afrique, 2024).
Le rôle des réseaux sociaux et la mobilisation citoyenne
LCette affaire a pourtant suscité une forte mobilisation sur les réseaux sociaux et dans la rue. Le collectif « Justice pour Dieynaba » et la pétition lancée pour sa libération montrent un changement dans la perception sociale des violences conjugales. Cependant, les réseaux sociaux ont permis à cette affaire de prendre une ampleur considérable, mais ils ont aussi joué un rôle contradictoire. Si la mobilisation a permis de sensibiliser le public aux violences conjugales, la diffusion de l’affaire a également exacerbé l’image de la victime dans des termes souvent réducteurs. La société sénégalaise reste marquée par un conservatisme social où les femmes victimes se voient parfois accusées de leur propre souffrance (Brut Media, 2024).
Comprendre pour réformer
Cette affaire m’a profondément marquée, non seulement par l’injustice qu’elle révèle, mais aussi par les mécanismes sociaux complexes qui la sous-tendent. En tant que femme, je trouve essentiel de comprendre ces dynamiques et de remettre en question les structures sociales qui permettent à de telles injustices de prospérer. La société sénégalaise doit évoluer pour garantir que toutes les voix, notamment celles des victimes de violences conjugales, soient entendues et respectées. Ce changement commence par une prise de conscience collective et un engagement pour une réforme en profondeur du système judiciaire. Dans le prochain article, nous explorerons l’histoire d’une autre voix éteinte, révélatrice cette fois d’un tout autre phénomène qui traverse notre société.
Sources :
- Brut Media. (2024). Une femme condamnée pour avoir menacé son mari violent de divulguer des photos de lui nu. https://www.brut.media/fr/articles/international/afrique/une-femme-condamnee-pour-avoir-menace-son-mari-violent-de-divulguer-des-photos-de-lui-nu
- Jeune Afrique. (2024). Dieynaba Ndiaye, battue par son mari et emprisonnée… Le fait divers qui secoue le Sénégal. https://www.jeuneafrique.com/1623781/societe/dieynaba-ndiaye-battue-par-son-mari-et-emprisonnee-le-fait-divers-qui-secoue-le-senegal/
Metro Dakar. (2024). Le docteur Mbacké n’a pas de diplôme de médecin, il usurpe une fonction ! Metro Dakar. https://www.metrodakar.net/le-docteur-mbacke-na-pas-de-diplome-de-medecin-il-usurpe-une-fonction/
- PressAfrik. (2024). Affaire Dieynaba Ndiaye « battue » et « emprisonnée »: la plainte de la victime contre son mari raconte l’horreur. https://www.pressafrik.com/Affaire-Dieynaba-Ndiaye-battue-et-emprisonnee-la-plainte-de-la-victime-contre-son-mari-raconte-l-horreur_a279983.html