Affaire Mariama Ndoly : quand la société tue

Pour Awa Diouf, la grossesse de sa fille constituait un affront à l’honneur familial. Le « crime d’honneur », bien que non reconnu juridiquement au Sénégal, demeure une réalité. Diouf (2024) souligne que ce sont souvent des femmes — mères, tantes, voisines — qui deviennent les instruments de la répression sociale, en perpétuant une violence
intériorisée et apprise.

Le droit absent, la honte en juge

Le Code pénal sénégalais (République du Sénégal, s.d.) criminalise l’homicide, sans atténuation liée à des notions d’honneur. Pourtant, l’absence de reconnaissance spécifique de ces crimes dans les textes empêche une prévention ciblée et une politique publique adaptée.

La loi n’encadre pas non plus la question des violences intrafamiliales en lien avec les normes morales. Et pendant ce temps, des adolescentes et jeunes femmes, souvent issues de milieux précaires ou ruraux, vivent sous la menace implicite de l’exclusion, de l’humiliation… ou pire.

Des violences codées et tolérées

Diouf (2024) insiste sur un point fondamental : les violences ne sont pas seulement physiques, elles sont structurelles. Dans certaines communautés sénégalaises, l’environnement social, religieux et juridique forme un maillage qui conditionne les comportements. La honte sociale, la peur du « qu’en-dira-t-on« , la pression exercée par les normes morales sont autant d’éléments qui empêchent les victimes de parler — et justifient l’impensable chez les agresseurs.

L’auteure montre aussi que l’absence de communication intergénérationnelle joue un rôle décisif. Les jeunes filles sont souvent privées d’un espace d’expression, tandis que les mères sont elles-mêmes prises dans un carcan d’attentes. Elles punissent parfois ce qu’elles ont dû endurer en silence. L’affaire Ndoly cristallise ce paradoxe tragique : quand les femmes, socialement chargées de maintenir l’ordre moral, en deviennent les exécutrices.

Mon regard

Je ne peux pas me contenter de l’émotion que cette affaire a suscitée. Ce qui me dérange le plus, c’est l’indifférence structurelle. Une jeune femme enceinte a été tuée par celle qui aurait dû la protéger. Et nous continuons à dire que ce sont des “drames”. Non, ce sont des crimes.

Je refuse d’accepter qu’au nom d’une morale dépassée, une vie puisse être supprimée. Et je refuse encore plus que ce soit toléré par le silence. Nous devons confronter toutes les logiques — sociales, religieuses, familiales — qui rendent ce type de crime pensable. Si l’honneur collectif prime encore sur la vie individuelle, alors de quoi sommes-nous vraiment en train de parler ?

Sources :